Bruce Springsteen
Bruce Springsteen est né le 23 septembre 1949 dans un hôpital de Long Branch. C’est à Freehold, dans le New Jersey, une cité banale au sud de New York, qu’il passe sa jeunesse. Il est le premier enfant d’une famille modeste ; son père, Douglas, d’origine irlandaise, a tour à tour été militaire, ouvrier, chauffeur de bus, gardien de prison, et sa mère, Adèle, d’origine italienne, travaille dur comme secrétaire et à l’entretien du foyer. Enfant, il déteste l’école. La rigueur de l’école catholique de Ste Rose Of Lima lui convient mal. Peu bavard, il préfère assimiler et apprendre en regardant et écoutant dans l’ombre. Et le jeune Bruce finit même un cours de latin dans une poubelle “c’est tout ce que tu vaux” commente la religieuse. Il préfère alors la sport ou la plage. Mais début 57, un passage d’Elvis Presley dans l’émission de télé “The Ed Sullivan Show” va irrémédiablement le pousser vers la musique. “A 9 ans”, dira-t-il plus tard, “rêver d’être Elvis à la place d’Elvis était pour moi une évidence, ce devait être le rêve de tout le monde !” Sa mère lui achète une guitare chez un prêteur à gages pour 18 dollars. Il a 13 ans. Dans les années 60, la radio ne passe pas simplement de la musique. Pour de nombreux adolescents, le rock’n’roll est synonyme de liberté. Pour Bruce, la musique est un moyen de se divertir mais aussi une manière de réfléchir. “Ce que j’entendais dans The Drifters, dans toute cette formidable musique à la radio, c’était la promesse de quelque chose d’autres. Pas une promesse de politicien… Je veux dire la promesse de nouvelles possibilités… qu’il est important de chercher et de lutter, que ça donne un sens à notre vie”. Pour lui, “c’était l’essence même du rock’n’roll”.
En 1965, Bruce Springsteen rencontre Tex et Marion Vinyard, un couple qui soutient les jeunes groupes locaux. Ils repèrent très vite les talents de Bruce et l’encouragent à jouer avec “The Castiles”. Il écrit et enregistre alors ses toutes premières chansons. C’est également à cette époque que Springsteen rencontre un certain Steve Van Zandt qui joue dans un autre groupe “The Mates”. Ses parents déménagent à San Francisco en 1967, mais il choisit de rester et s’installe à Long Branch dans un studio et vit de petits boulots. Mais c’est à cette époque qu’il commence à jouer et à devenir un phénomène local. La côte du New Jersey grouille de musiciens qui “jamment” entre eux. “Earth”, “Child”, “Steel Mill”, “Bruce Springsteen & the Friendly Enemies”, “Sundance”, “Dr. Zoom & the Sonic Boom”… autant de nom de groupes formés autours de Springsteen et dont le noyau dur des membres formeront le futur E Street Band. Parallèlement, il se fait réformer (vraisemblablement à cause des suites d’un accident de moto quelques années auparavant), ce qui en période de guerre du Vietnam est un soulagement. “C’est bien, mon fils” lâche Springsteen père. Pourtant, les conflits sur la musique sont nombreux. Les relations avec ce père ombrageux sont difficiles et engendreront de nombreuses chansons. Ses groupes n’arrivent pas décrocher de véritables contrats mais malgré tout, il continue de croire en la musique.
Fin 1971, alors qu’il tente sa chance en solo, il se fait repérer par un jeune producteur, Mike Appel et son associé, Jim Cretecos. Ils signent rapidement un contrat ensemble (pas tout à fait sur le capot d’une voiture comme c’est évoqué parfois…).
Mike Appel envoie les enregistrements des premières chansons de Bruce à John Hammond. Ce dernier qui a découvert Dylan, Bessie Smith ou Billie Holiday, cherche de nouveaux talents (notamment un nouveau Dylan…) pour Columbia. Une audition est organisée en mai 72 et Springsteen y joue seul quelques morceaux comme “It’s Hard To Be A Saint In The City” ou “Growin’Up”(2). “Je n’arrivais pas à y croire” se souvint Hammond plus tard(1)(3). Une seule chanson suffit à Clive Davis, alors patron de Columbia, pour apposer sa signature en bas du contrat.
“Greetings from Asbury Park, NJ sort en janvier 1973. Malgré un accueil favorable de la part des critiques (qui comparent Springsteen à Dylan), les ventes ne sont pas au rendez vous.
En septembre 73, le deuxième album, “The Wild, the Innocent & the E Street Shuffle” est publié. La critique réagit là aussi positivement mais les ventes ne sont toujours pas là. Parallèlement, le groupe tourne beaucoup et c’est sur scène que Springsteen commence à conquérir des fans, petit à petit dans les campus de la cote Est. En mai 74, dans The Real Paper, Jon Landau écrit sa phrase célèbre “J’ai vu l’avenir du rock’n’roll. Il s’appelle Bruce Springsteen”(4). La citation est reprise par Columbia pour la promotion du disque mais toujours sans succès… La maison de disque s’impatiente…
Petit à petit, Jon Landau et Springsteen deviennent amis. Bruce lui demande de venir participer à la co-production de son futur album. Les enregistrements sont longs et difficiles. De nouveaux musiciens en remplacent d’autres au sein du E Street Band. Bruce est sous pression, il sait que c’est peut être sa dernière chance de percer. Born to run parait en août 75. La maison de disque met le paquet sur la promotion de l’album et le disque apporte la consécration tant attendue. Springsteen fait les couvertures de Times et Newsweek la même semaine, en octobre 75.
La tournée finit d’imposer Springsteen auprès de son public. Elle va durer plus longtemps que prévu. En effet, Jon Landau est devenu manager et producteur. Les relations entre Mike Appel et Springsteen se sont détériorées. Springsteen qui souhaite avoir le contrôle de ses chansons (de sa carrière et de ses revenus…) dénonce le contrat qu’il avait naïvement signé et Appel accuse Landau de profiter de son poulain. Une procédure juridique s’engage et Springsteen n’a plus le droit de retourner en studio tant que l’affaire n’est pas réglée. Des tournées sont donc organisées en 1976 et 1977. C’est également l’époque où il commence à collaborer avec d’autres artistes comme Southide Johnny, Ronnie Spector…
Au printemps 77, une procédure de règlement à l’amiable du conflit avec Mike Appel est lancée. Elle aboutit le 28 mai à un versement de près d’un million de dollars à Appel en échange de quoi il renonce à ses droits sur la carrière de Springsteen. Deux jours plus tard, Springsteen rentre en studio préparer son nouvel album avec Landau à ses cotés. Darkness on the Edge Of Town sort en juin 78 après de longues sessions d’enregistrements. Si la maison de disque espérait une suite à Born to Run, il s’applique à faire un disque aussi différent que possible. Justement nommé, l’album est sombre, peuplé de personnages désespérés et dignes à la fois. Des morceaux plus “tubesques” comme Fire ou Because The Night sont mis de coté et offerts respectivement à Robert Gordon et Patti Smith. Malgré son sombre contenu, si l’album se classe moins bien dans les charts, il a du succès et est encensé par la critique.(5) L’idée de ne pas refaire un Born to Run-bis s’avère être le bon choix et lui permet de dépasser le statut de chanteur star pour aller vers une sorte d’artiste messie ou saint. Et dans l’excellente tournée qui suit, les concerts y sont moins festifs mais les salles s’agrandissent. Le groupe et son leader se taillent une solide réputation de performers scéniques, LE groupe à voir.
Début 79 et après 10 mois d’une intense tournée, le groupe retourne un studio. Ce projet d’album (initialement un simple album) s’appelle “Ties that bind”. Durant la période d’écriture, Springsteen compose des chansons sombres dans la lignée de Darkness. Puis, il rajoute au fur et à mesure des chansons plus festives afin de réintroduire la légèreté façon Born to Run. Disposant d’un nombre de morceaux enregistrés importants, Springsteen, sur une idée de Steve Van Zandt devenu co-producteur, choisit de faire un double album. The River sort en octobre 80. Pour la première fois, un album de Springsteen se place en première place des charts US. Il restera 75 semaines classé. La tournée bat des records en termes de rapidité de ventes de billets et le concert du 31 décembre 80 dure 3 heures et 45 minutes (le plus long de sa carrière).
Sous l’influence de Landau, Springsteen se met à lire pour combler son manque évident de culture. Les Raisins de la colère de Steinbeck devient son livre favori. Il s’intéresse également au sort des vétérans du Vietnam via l’autobiographie de Ron Kovic, Né un 4 juillet (qui deviendra un film). Plusieurs concerts de la tournée leurs sont dédiés. C’est aussi l’époque où apparait dans les setlists, This Land is your Land du chanteur folk, Woody Guthrie. Springsteen s’implique de plus en plus dans des engagements communautaires. Toutes les tournées qui suivront seront associées à des causes caritatives. Le River Tour se termine en septembre 81 soit un an après la sortie de l’album. Bruce, épuisé, se retire pour composer des nouvelles chansons.
Trouvant que le temps passé en studio ralentit sa créativité, Springsteen décide d’enregistrer lui même les démos de son futur album, guitare, harmonica et voix, sur un 4 pistes, à la maison. Des sessions studios avec l’E Street Band sont ensuite organisées mais le résultat ne satisfait pas Bruce. Au poids du groupe, et loin du “mur du son”, il préfère le style dépouillé, épuré des démos. Le groupe aussi, comme le dit, Steve Van Zandt à Rolling Stone: “Je lui ai dit: “je sais que tu n’avais pas l’intention d’enregistrer ça (…) je pense que c’est une occasion unique de sortir quelque chose absurdement intime”3. La chose s’appelle Nebraska, est publiée en septembre 82. Aucune tournée n’est programmée pour en assurer la promotion.
Born in the USA, le plus gros succès commercial de Springsteen, sort en 1984. La chanson titre, comme Downbound Train et plusieurs autres de l’album, est un des nombreux morceaux écartés de Nebraska (On retrouve d’ailleurs une version solo sur Tracks). Si cet album est musicalement aux antipodes du précédent, les thèmes et les personnages sont comparables de douleurs ou d’angoisse. Le premier single est Dancing in the dark (avec la jeune Courtney Cox dans le clip…). Au total, pas moins de 7 extraits se classent dans les charts. Steve Van Zandt qui a son propre groupe et a enregistré son propre album, est remplacé par Nils Lofgren, Patti Scialfa est embauchée comme choriste. Une tournée gigantesque accompagne une brucemania. Springsteen devient la plus grande star rock du moment. Malgré le succès, Born in the USA, chanson qui évoque comment l’Amérique s’occupe de ses vétérans du Vietnam, est (mal-)comprise rapidement comme un hymne patriotique et en cette année de campagne présidentielle, Ronald Reagan, républicain, est le premier à tenter de récupérer la chanson durant un meeting. Mais Springsteen refuse que la chanson soit utilisée. Et quand le candidat démocrate, Walter Mondale, en déduit que Springsteen est acquis à sa cause, il reçoit le même refus. Tout comme Chrysler et les quelques autres marques qui souhaitaient habiller leurs pubs… Sur un plan personnel, Bruce rencontre durant la tournée, Julianne Philips, une actrice et mannequin. Ils se marient en mai 85 avec toute l’attention que peuvent donner les médias envers une star populaire.
Durant l’année 86, Springsteen ne donne que quelques concerts à but caritatif, comme par exemple, lors de son passage au Bridge Benefit Concert de Neil Young. Accompagné de Nils Lofgren à la guitare et de Danny Federici à l’accordéon, il revisite ses chansons dans des arrangements acoustiques. L’année est plutôt consacrée à la sortie avant Noël du coffret de 5 vinyls Live 1975/1985, une compilation de ces morceaux en concert. Beaucoup de pirates circulent mais jamais un album live n’a été publié. Si le coffret permet de retrouver des morceaux offerts à d’autres comme Because The Night ou Fire ou des reprises comme This Land Is Your Land, il sonne également comme un bilan de 10 années passées avec l’ESB.
Évitant de refaire une suite-copie de Born In The USA, Springsteen se remet alors à travailler dans son home studio sur des chansons complètement différentes. La piste country est même envisagée à un moment donné, puis abandonnée au profit d’un son clair fait de boîtes à rythme et de synthés. Les morceaux sont plus calmes, plus tournés vers l’intérieur que tout ce qu’il a produit depuis une dizaine d’années. Tunnel of Love sort en octobre 1987. L’album semble évoquer les difficultés de Springsteen dans sa vie de couple qui bat de l’aile. Très attendu, il se vend inévitablement moins bien que son prédécesseur. Le nombre de dates de la tournée se réduit. Springsteen cherche à se renouveler en concert: des classiques comme Jungleland ou Backstreets sont absents, Born to run est remanié en une version solo acoustique, une section de cuivre est ajoutée et Patti Scialfa occupe une place plus en avant dans le jeu de scène.
Parallèlement, des tabloïds anglais diffusent des photos de paparazzi de Bruce et de Patti. Furieux et refusant de commenter, Springsteen préfère repartir sur les routes pour une tournée au profit d’Amnesty International avec Sting, Peter Gabriel, Youssou ‘N’Dour. Deux concerts sont donnés en Afrique, en Inde, au Chili ou à Berlin. Musicalement, les shows quoique plus courts se rapprochent plus de l’esprit de la tournée Born in the USA. Les derniers d’entre eux offrent également quelques duos avec Sting.
L’année 89 est le début d’une assez longue période de retrait. Le divorce entre Bruce et Julianne est prononcé en mars. Durant l’été, Springsteen joue (ou s’amuse) dans des concerts discrets sur la Jersey Shore comme invité pour Nils Lofgren et son groupe ou bien Southside Johnny. Il enregistre néanmoins Viva Las Vegas pour une oeuvre de charité avec un groupe improvisé composé par exemple de Ian McLagan, ex-pianiste de Rolling Stones et de Jeff Pocaro, batteur de studio bien connu. En septembre, Bruce Springsteen fête ses quarante ans entouré de sa famille et du E Street Band. Mais un mois plus tard, il téléphone à chacun de ses musiciens pour leur annoncer qu’il ne souhaite plus travailler avec eux. Cette séparation est douloureuse pour les Estreeters même si chacun avait déjà des occupations en dehors de groupe(6). Bruce la justifiera plus tard par le fait que qu’il n’aimait pas “ce truc macho” lui au milieu et son gang autour. Il admit aussi que l’échec de son mariage l’avait conduit à une période dépressive entre culpabilité et peurs.
Néanmoins, début 90, le couple installé en Californie annonce qu’il attend le premier enfant. Springsteen retourne ensuite en studio tout en faisant quelques apparitions publiques et en juillet, Patti donne naissance à un garçon, Evan James. Deux enfants suivront, Jessica en 1991 et Sam en 1994. Les premiers véritables prestations de Springsteen sans l’E Street Band sont deux concerts caritatifs qui ont lieu à la mi-novembre à Los Angeles et qui sont connus sous le nom de Christic shows. On y retrouve un Springsteen, en solo, très à l’aise où il évoque notamment sa nouvelle paternité. On y trouve également quelques chansons inédites à l’époque.
Cinq années se sont écoulés depuis la sortie de Tunnel of Love. De premières sessions studios auraient donné une trentaine de chansons pour en faire un album (Human Touch) puis une seconde période assez courte d’écriture allait modifier la donne pour aboutir à Lucky Town. Le premier évoque un rêve de bonheur tandis que le second met en avant un bonheur personnel effectif. Les deux albums sont publiés simultanément en 1992, copiant ainsi la formule commerciale de Guns’n’Roses avec Use Your Illusions. Sans être horrible, aucun des albums n’est extraordinaire. L’absence du E Street Band n’arrange pas les choses (seuls Roy Bittan et Patti sont dans le nouveau groupe). Malgré des critiques défavorables, une tournée mondiale quasi sold-out suit la publication. Si Springsteen fait ses concerts honnêtement avec toute l’énergie qu’on lui connait, (et à ce moment, il cherche ré-explorer son travail avec de nouveaux musiciens), les nouvelles chansons et le groupe ne permettent pas de soutenir la comparaison avec les tournées précédentes. Un live enregistré chez MTV est publié. La chaîne organise alors des concerts acoustiques mais Springsteen fera exception en rebranchant les guitares dès le deuxième morceau.
Springsteen retrouve le succès en 1994 en réalisant la chanson du film Streets of Philadelphia et pour laquelle il obtient un Oscar et de nombreuses récompenses. Fort de ce succès, et bien que Bruce s’y soit toujours refusé, Sony décide de publier un Greatest Hits en février 1995. Ce très incomplet best of contient 4 nouvelles chansons et l’E Street Band est convoqué pour l’occasion. On retrouve ces sessions de travail dans le documentaire Blood Brothers.
Mais, à la surprise de beaucoup, c’est sans le groupe que sera enregistré son futur album. The Ghost Of Tom Joad sort fin 1995. Loin des 2 albums jumeaux précédents, c’est un disque sobre, folk acoustique, austère, qui rappelle un peu Nebraska. Les sujets sont moins introspectifs puisqu’on y croise des immigrants mexicains, des paumés, des prisonniers et des laisser pour compte du rêve américain ou du nouvel ordre mondial. Revenu à ce qu’il sait faire le mieux, la critique l’encense. La longue tournée qui suit est dans la même veine, des salles de taille réduite où on voit et entend un Springsteen, seul à la guitare, les cheveux plaqués, interpréter ses nouvelles chansons et complètement revisiter ses morceaux les plus profonds. Le voilà devenu un artiste intimiste.
Dans la lignée de Ghost Of Tom Joad, en mars 1998, il participe à la chanson We shall overcome dans le cadre de Where Have All the Flowers Gone, un album en hommage à Pete Seeger, un chanteur folk. Puis, en juin 98, Before The Fame, un bootleg sur les premières années de sa carrière, est publié sans l’accord de Springsteen. D’autres albums de ce genre sont près de sortir. Après un procès, il aura finalement et légitimement gain de cause. En parallèle, Sony prépare un coffret regroupant des inédits, des titres rares et des B-sides depuis ses débuts jusqu’à 1995. Tracks sort en 1998 avec 4 CDs et 66 chansons, dont 56 titres inédits. Le coffret est l’occasion d’une tournée avec l’E Street Band, ce que les fans attendent depuis longtemps, ils la nomment Reunion Tour. Cette longue série de concerts voit apparaitre quelques nouvelles chansons comme Land Of Hope And Dreams ou American Skin (41 shots), une chanson sur une bavure policière envers un jeune noir. 10 concerts au Madison Square Garden (rien que ça!) clôture la tournée en juillet 2000. En est tiré le Live in New York City 19 titres dont 14 sont proposés en version live pour la première fois.
En 2002 parait The Rising, le premier album avec l’ESB depuis Tunnel Of Love et le premier produit par Brendan O’Brien. Fortement influencé par les attentats du 11 septembre, l’album, bien accueilli, évite le piège de la vengeance et de la victimisation, et il contient beaucoup de retenue et de dignité. Comme avec par exemple, My City Of Ruins, une chanson initialement écrite pour Asbury PArk, une ville en difficulté économique mais qu’il avait choisi de jouer pour Tribute To Heroes et le téléthon à l’automne 2001. Une importante tournée suit la parution de l’album jusqu’à l’été 2003. The Essential, un nouveau best of, est publié à la fin de l’année. Plus complet que le Greatest Hits, il contient notamment un CD de chansons plus rares comme des musiques de film ou des chansons offertes à d’autres. Plus calme, 2004 voit un Springsteen qui s’engage plus clairement politiquement. Il participe au Vote For Change, une série de concerts avec REM, Tracy Chapman et d’autres organisés pour inciter les électeurs à aller voter. Il soutient publiquement John Kerry à la présidentielle pour qui il joue No Surrender lors des dernières réunions de campagne du sénateur démocrate.
Devils And Dust est publié en avril 2005. Quoique moins dépouillé, l’album, plutôt folk, sans l’ESB, est dans la veine de Nebraska et de The Ghost Of Tom Joad. Certains morceaux ont d’ailleurs été écrit lors de la tournée qui suivit cet album, All The Way Home a même été écrite en 1991 pour Southside Johnny. Seule, la chanson titre colle à l’Amérique post 11 septembre, empêtrée en Irak. L’album est consacré aux gens “dont l’âme est en danger” explique-t-il dans le DVD adjoint au disque. En toute logique, la tournée qui suit se fait en solo. Contrairement à l’époque Tom Joad, en plus de guitares sèches et électriques, Springsteen joue du piano, de l’orgue, du banjo et du ukulélé, étoffant ainsi sa palette. Il revisite ainsi une grande partie de son répertoire et les setlists connaissent de nombreux changements.
En novembre, un coffret commémorant le 30ème anniversaire de Born To Run est publié avec une version remasterisée de l’album, un concert de 1975 et un intéressant documentaire making-of. La tournée Devils and Dust se termine en décembre 2005.
Début 2006, rapidement, des rumeurs d’un nouvel album circulent. En effet, Springsteen est reparti sur un projet qui sommeillait depuis 1998 et qui était né lors de l’hommage à Pete Seeger. Il réunit une quinzaine de musiciens d’horizons différentes pour des enregistrements chez lui, dans le New Jersey, pour We Shall Overcome: The Seeger Sessions, un album de reprises de chansons traditionnelles tantôt folkeuses tantôt gospel tantôt bluegrass avec en arrière plan des idées contestataires ou spirituelles. La tournée est moins populaire aux USA qu’en Europe où elle y passe d’ailleurs deux fois. C’est également une nouvelle occasion pour Springsteen de revisiter certaines de ces chansons dans des arrangements très différents, avec l’aide de son groupe et sa multitude d’instruments. Le Live In Dublin est une sélection des morceaux joués lors des deux concerts irlandais.
En 2007, Springsteen revient avec l’idée de (re-)faire un album avec le son E Street Band. Magic sort en octobre. Dans un sens, il est la suite de The Rising, ancré avec subtilité dans la réalité américaine bushienne post-11 septembre. “Le silence est antipatriotique” déclare-t-il à CBS(7). Il contient également un hommage à son assistant, Terry Magovern disparu peu avant la publication du disque. Durant la tournée qui suit, Bruce Springsteen et l’E Street Band dégagent pourtant toujours la même énergie sur scène, malgré le décès des suites d’un cancer de l’organiste du groupe, Danny Federici, remplacé par Charles Giordano déjà présent dans le Seeger Session Band.
Lors de la campagne présidentielle de 2008, continuant sur la lancée “engagée” de Magic, Springsteen soutient Barack Obama par quelques concerts en solo en offrant notamment une nouvelle chanson, Working On A Dream, en avant première du nouvel album, lors de l’avant-dernier meeting du candidat démocrate. Il joue également à Washington, le 18 janvier 2009, pour la cérémonie d’investiture du nouveau président devant 400 000 personnes.
L’année 2009 commence aussi par une récompense, le Golden Globe de la meilleure chanson pour le film The Wrestler et la publication de l’album Working On A Dream. Springsteen joue également à la mi-temps de la finale du Superbowl, le 1er février 2009 et enchaine au printemps sur une tournée de 85 concerts. Retenu par ses activités télévisuelles, Max Weinberg est remplacé par son fils Jay sur certains concerts. Pour la première fois, le groupe joue devant un public de festival. Très vite, les morceaux du dernier album sont mis de coté au profit des grands classiques que Springsteen juge plus à même de répondre aux attentes de son public en période de difficultés économiques. Durant la dernière partie de la tournée, il joue même à plusieurs reprises ses albums majeurs dans leur intégralité, avant d’annoncer une pause avec le groupe.
Notes:
(1): Mick Wall, “Bruce Springsteen, La musique en revue”.
(2): On retrouve quelques uns de ces enregistrements sur Tracks.
(3): 00-01-1999 – Mojo – The Mojo Interveiw
(4): 22-05-1974 – The Real Paper – Growing Young with Rock and Roll
(5): 27-07-1978 – Rolling Stone – The Boss’ Triumphant Return
(6): 00-05-1998 – Mojo – Hello/Goodbye: Clarence Clemons & The E Street Band
(7): 07-10-2007 – CBS – Springsteen: Silence Is Unpatriotic