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Souvenirs, Souvenirs, Giants Stadium 31 juillet 2008

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Je le livre dans son jus, avec toutes ses kitsheries de jeunesse

Un concert comme celui-là génère un souvenir comparable à celui d'une belle séance de cinéma. Rencontre éphémère avec des gens qui n'existeront plus que dans notre imagination brodant à partir d'une poignée d'instants arrachés à leur réalité. Trop fertile notre imagination. Prenez ces deux femmes assises à côté de moi par exemple. Une connaissance de connaissance de connaissance de Nils Lofgren et une charmante dame qui m'a étonné à plus d'un titre quand elle m'a dit que son dernier concert du boss remontait à la mythique tournée circa 78. Deux authentiques Jersey girls qui ont dû vivre leurs premiers rendez-vous au son des fairy tales de la grande époque. Si j'avais eu plus de temps pour la conversation, j'aurais probablement appris qu'au moins une des deux s'appelait Mary. Mais je n'en saurai pas plus car elles me salueront avant le dernier rappel, préférant à l'instar de nombreux spectateurs américains rater deux chansons que se retrouver bloquées dans un trafic de dizaines de milliers de voitures. De mon côté, il était évidemment hors de question que je rate une seule note du concert, dussé-je me passer du numéro de téléphone de Cameron Diaz. Elles resteront donc dans mon esprit comme des souvenirs attachés à cet autre souvenir qu'est maintenant le concert.
Concert merveilleux car concert rêvé, conforme à la vague image que je pouvais avoir d'un spectacle de Bruce Springsteen dans le New Jersey, sur sa terre natale. Une immense communion. Un jeune voisin de gradin, du cru lui aussi, un brin éméché me l'a annoncé avant le début du concert: "Here Bruce...he is...God !". Soit. Peut-être pourrais-je espérer que lui et son pote se montreront plus attentifs que le public amorphe du concert de dimanche, que leur passion sincère compensera leur état d'ébriété déjà avancé. C'est que contrairement à dimanche, je suis assis dans la tribune la moins chère, les gens ne semblent pas être là pour se gaver de bière et de poulet frit vendus à des prix prohibitifs mais pour assister a un évènement désiré depuis longtemps. Et de fait, il n'y aura que peu d'allers et venues.

Le boss lui-même, après son escapade européenne, a du se rappeler lors de ses deux premiers concerts au Giant combien l'attention de ce public américain qui passe ses journées à bouffer des chips devant les écrans de toute sorte est difficile à capter. Il attaque donc avec une flopée de titres de sa période classique, la plus à même de motiver un stade déjà chauffé à bloc par plus d'une heure d'attente pour cause de route bloquée par un accident. S'enchaînent:Summertime blues, Tenth Ave Freezeout, Two hearts, Promised land, Prove it all night, Light of day...Des chansons rock&roll et des hymnes qui respirent l'envie de vivre. Le public s'est levé, il ne se rassoira plus. Il chante, il hurle, il danse, il se tape dans les mains, il drague ses voisines. La magie Springsteen ou comment transformer un stade affreux en immense bal populaire. Le boss se permet alors deux ballades en duo avec sa femme Patti. Il va même jusqu'à nous gratifier d'un speech rappelant la naissance de leur amour, Patti ayant commencé comme choriste du E-Street band. Ce n'est pas un incongru "Go, Yankees! Go !" gueulé au dessus de moi qui va gâcher le charmant récital. L'euphorie est trop grande pour ça. S'ensuit une occasion de réveiller la nostalgie de mes deux voisines: la reprise de Pretty flamingo, que je ne connaissais pas mais qu'il jouait régulièrement lors de ses concerts circa 75.
Puis c'est le moment typiquement springsteenien de la collecte des requêtes des spectateurs. C'est l'occasion d'entendre une sacrée rareté, la première chanson du premier album, Blinded by the light, mais aussi d'incendier le stade pour de bon. Cadillac Ranch ou la chanson la plus conne mais aussi la plus fun du monde. Et tout d'un coup le son des cymbales tapées a vitesse grand V. La joie inespérée. Je hurle, je trépigne. La jeune fille derrière moi, sans doute un brin effrayée:"Are you excited ?". Moi: "Et comment! It's my favourite song !". Et c'est bien Candy's room qui commence. Candy's room putain! Un concert de Springsteen, c'est une joie aussi bien collective qu'individuelle, la communion sur les nombreux hymnes tout autant que le bonheur d'entendre des chansons que l'on chérit particulièrement. Au rayon titre inattendu, joué suite à une requête là encore, Incident on 57th street. Suite à mon premier contact avec le public de stade américain le dimanche précédent, j'avais définitivement fait une croix sur l'idée d'entendre cette superbe complainte de plus de 9 minutes ce soir. Et pourtant il l'a jouée ! A ma grande joie et de celle de ma voisine du New Jersey qui a cru bon de me tendre une main dans laquelle taper quand elle m'a entendu exprimer ma surprise par un élégant "Oooh putain !". Le chant lancinant qui monte lentement en puissance, ces personnages sortis d'un film de Nicholas Ray et surtout cette guitare qui pleure, pleure...

La symbiose entre le public du New Jersey et son chantre est désormais totale. Symbiose tout juste entachée par l'introduction de Livin'in the future, petit réquisitoire à peine masqué contre l'administration Bush sifflé par de nombreux spectateurs à chaque concert américain, mais que Springsteen n'abandonnera jamais. C'est sa foi profonde, naïve et belle dans le pouvoir politique de la musique populaire. La tirade pour une organisation de sans-abris du New-Jersey au début du premier rappel, à l'opposé de toute démagogie, relève de la même intégrité, de la même conviction chevillée au corps. Quoiqu'il en soit, ce n'est pas ces quelques secondes d'aparté qui vont faire retomber l'ambiance de folie amplifiée par l'inusable tuerie qu'est Badlands. C'est peut-être au moment de Jungleland, morceau épique de dix minutes qui n'a rencontré guère plus que des applaudissements admiratifs à Bercy, que l'on ressent le mieux ce lien unique entre le New Jersey et Bruce Springsteen. Là, les quinquas se rappellent leur jeunesse et n'ont plus honte de jouer de la guitare imaginaire, leurs épouses sont radieuses, les jeunes brandissent le poing et surtout, surtout, tout le monde s'exclame lorsque retentissent les paroles suivantes "The magic rat drove his sleek machine over the Jersey state line". Le terrain est préparé pour l'hymne Born to run. Toutes les lumières se rallument. Born to run, c'est toujours le clou d'un concert du Boss. Dans le New Jersey, c'est simplement plus intense. On chante l'intégralité de la chanson, on fait la chaîne avec ses voisins que l'on connaît depuis trois heures à peine. 
S'ensuivent les très dansantes Dancing the dark et American land mais malheureusement mes voisines sont déja parties. C'est qu'on est déja à trois heures de concert. Le public restant supplie pour un dernier rappel. Dernier rappel qui commence par la fort-à-propos reprise de Tom Waits Jersey girl. C'était la dernière des requêtes. La plus touchante. Enfin, parce que c'est le dernier des concerts au Giants stadium et que donc il est un peu plus spécial que les autres, on a droit à une ultime "New Jersey fairy tale": Rosalita. Et puis c'est fini, on tente un nouveau rappel sans y croire vraiment. Les lumières se rallument. Ne resteront plus que les souvenirs un brin gâchés par la tentation youtubesque et un spleen, de quelques jours quand même. "Mais qu'est ce que je vais bien pouvoir faire ce soir pour vivre une expérience aussi chaleureuse, aussi lumineuse, aussi transcendante, aussi excitante que ce concert?"

 

 

 

P.S: oui, il a joué Janey don't lose your heart le dimanche. Mais, au niveau de la tribune qui était la mienne ce soir, c'était de la confiture aux cochons.

BTR60 a réagi à ce message.
BTR60

Relisant les chroniques de l'époque: "Tickets are $65 and $95. Call (201) 507-8900 or visit ticketmaster.com" 😀

 

Et bien merci pour le jus et les kitsheries de jeunesse !!!

Je n'y étais pas ce soir là, mais la lecture de cette review me rapelle tellement de souvenirs. Oui à chaque concert on se fait des pôte qu'on ne reverra jamais. C'est drôles çà. Je l'ai vécu tellement de fois.

Pour le public américain, ... c'est étrange, moi je l'avais fait en octobre 2007 au MSG. Et oui qu'il est bizarre à aller chercher de la bière et de la bouffe. Et je suis presque sur que cela ne le choque même pas le Boss. Il connait son public. Ca se trouve il fait pareil lui même !!!!

Donc oui, j'étais surpris par le videment de salle lors de ballades, la quantité de bière et de bouffe ... par contre .. oui par contre, je me souviens que quand ça pousse ... non de diou .. ça pousse fort. J'entend encore le MSG tout entier chanter de A à Z Jungleland. Jamais vécu cela ailleurs.

Bref ... merci pour le flasback

Ma petite signature !
Citation de TOF le 2 août 2022, 14 h 11 min

Pour le public américain, ... c'est étrange, moi je l'avais fait en octobre 2007 au MSG. Et oui qu'il est bizarre à aller chercher de la bière et de la bouffe. Et je suis presque sur que cela ne le choque même pas le Boss. Il connait son public. Ca se trouve il fait pareil lui même !!!!

Moi perso le concert pendant lequel j'ai été le plus emmerdé (n'ayant pas peur des mots) par les mecs allant chercher leur bière est ............ le SDF 2003 !!

Et pourtant des concerts aux US j'en ai fait quelques uns (environ une dizaine)

Faut dire qu'on avait eu la malchance d'être en tribune ........ à côté d'une tribu de belges ;o)

 

Il y a quand même une différence entre les stades et les salles. Autant que le lieu, c'est la saison qui joue. Ces concerts d'été sont comme de gigantesques kermesses, qui commencent dans l'après-midi par le "tailgating" (on fait un bbq et on boit un coup au cul du pick-up truck). L'ambiance ressemble plus à celle d'un camping qu'à celle d'un concert. C'est un peu "Bruce à la plage" -si l'on fait abstraction que tout cela se déroule sur un parking immense.

Les concerts en salle ressemblent plus aux expériences européennes (même si la bière et les pop corns, c'est ouvert 24/24 mais c'est pareil au ciné).

J'ai gardé un souvenir assez marquant du concert de juin 2000 au MSG : la clameur du public pour Promised Land (le deuxième titre joué ce soir-là). Le bruit d'un jet au décollage. Je crois n'avoir jamais entendu rien de tel ailleurs (ni à Paris, ni Barcelone ni à Milan..).

 

https://www.facebook.com/French-River-81-100462135018927/?modal=admin_todo_tour
Citation de Fabrice le 2 août 2022, 14 h 53 min

Il y a quand même une différence entre les stades et les salles. Autant que le lieu, c'est la saison qui joue.

C'est tout à fait exact. D'une façon générale, les concerts en stade, c'est la merde tant que la nuit n'est pas tombée (surtout en tribunes et en Europe aussi).
Ainsi, le fait qu'il ait commencé une heure et demi plus tard à cause de l'embouteillage explique aussi, peut-être, la supériorité du spectacle du 31 sur celui du 27 (je n'avais malheureusement pas pris de ticket pour le 28 et je le regrette encore, je crois quel les filles du forum avaient kiffé).

Sympa ce topic. J'en ouvre un autre ou chacun pourrait venir raconter l'histoire d'un concert [Souvenirs, Souvenirs, les vôtres].

https://www.facebook.com/French-River-81-100462135018927/?modal=admin_todo_tour
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